A la découverte du Pays des Merveilles [PV Opaline/Ginny]

Ginny ne s'était jamais aventurée dans cette partie de la forêt.
Elle marchait, aux aguets et en regardant tout autour d'elle, comme un petit oiseau farouche, et sursautait au moindre bruit. Dans ce pays, les Champignons étaient gigantesques, les Fleurs parlaient et les Arbres marchaient. Elle savait cette dernière chose, et avait fini par s'y habituer, mais depuis dix ans qu'elle avait atterri dans ce lieu sans queue ni tête, elle n'avait jamais osé dépasser la forêt et s'apitoyait sur son sort. Elle n'avait fait connaissance avec personne, aucun être sauf un magnifique papillon bleu qui lui indiquait toujours où trouver sa nourriture. Mais maintenant, elle n'aurait plus besoin de lui. Elle avait dix-sept ans, même si elle ne le savait pas et, elle allait désormais arpenter d'autres territoires.

Elle était à la limite de la forêt, et allait atteindre un endroit dégagé -ce qui l'impressionnait plus que tout- avec de drôles de fleurs qui semblaient la dévisager et lui lancer des réflexions lorsqu'un crissement sur le sol dur retentit. Elle se cacha derrière un arbre et en cherchant des yeux d'où provenait le son et qui ou quelle chose avait pu le produire.
Spoiler:
Le soleil pointait et la lumière fraiche d'un début de printemps se faisait sentir. Elle frissonna, et un sourire se dessina sur ses lèvres. Elle n'avait jamais ressenti cette douceur de l'air, et ses craintes sur ce nouveau monde s'apaisaient. Elle ferma les yeux quelques instants et huma l'air quand un nouveau crissement se fit entendre, suivi d'un grognement. Elle ne put réprimer un sursaut et observa cette scène étrange.
Une drôle de bête, une sorte de gros molosse, se déplaçait habilement sur le sol. C'était un gros chien gris, avec des rayures vermillon qui attiraient les rayons du soleil, avec des pattes massifs possédant toute une rangée de griffes. Ses oreilles ne cessaient de tourner à 180 degrés pendant qu'il reniflait le sol gris clair, comme bétonné. Quel qu'était cet animal, il n'avait pas l'air très aimable et semblait être un prédateur. Ginny se souvint de quelques images de ces drôles d'animaux fauves dont les mâles possédaient une crinière, et prit ses distances avec l'espèce de chien. Son instinct lui criait que cette bête était dangereuse.

Alors, elle resta là à observer le colosse, attendant que ça se passe, qu'il parte. Une goutte tomba sur son masque vénitien et un "Poc !" retentit. Elle retint son souffle tandis que le monstre gris et rouge se dressa, aux aguets.

Opaline cherchait. Elle ne savait pas exactement ce qu'elle cherchait, pour ne pas dire qu'elle n'en avait pas la moindre idée, mais elle cherchait et elle avait l'intention de trouver. Elle reniflait avec entrain le sol, cherchant une piste, une odeur, n'importe quoi qui puisse se trouver, car elle s'ennuyait ferme. Elle chercha ainsi un long moment, ses pas la menant inconsciemment vers le "trou dans les bois aux fleurs débiles qui m'insultent", comme elle aimait l'appeler. Elle ne s'aventurait jamais ici car les fleurs, qui, chose rare au Pays des Merveilles, avaient en général toute leur tête, la critiquaient ouvertement à chaque geste qu'elle faisait. Ce matin-là, elles n'y étaient pas. Opaline se fit la remarque, mais cela ne l'inquiéta pas plus que ça, de toutes manières elles ne les aimait pas (et réciproquement) et elle s'en fichait. Elle fouina dans tous les recoins, avec sa grosse truffe humide, soulevant les pierres à l'aide de ses pattes, en vain. Puis, énervée, elle arrêta tout, s'assit sur son postérieur, comme un bon toutou, et prit un air tout triste. Elle faillit pleurer mais une odeur inhabituelle vint troubler sa séance de fouille. Opaline replongea sa truffe dans les feuilles mortes, motivée. Elle chercha frénétiquement, et quand elle releva la tête, oh ! surprise ! Une jeune fille avec un masque, apparemment morte, mais raide droite, plantée comme un piquet. Elle ne bougeait pas, ne respirait pas et fixait la chienne d'un drôle d'air. Cette dernière dressa la tête, toute heureuse d'avoir trouvé un nouveau joujou, puis aboya un coup et fonça vers la fille masquée afin de lui renifler les pieds. Lorsqu'elle sentit que l'autre n'était pas aussi morte qu'elle en avait l'air, elle bondit en arrière, sur ses gardes. Elle prit l'air le plus terrifiant possible, et grogna, bien qu'elle n'eut pas l'intention d'attaquer la jeune fille pour l'instant.

Ginny resta là, tétanisée.
Il ne fallait surtout pas qu'elle bouge. Elle le savait, elle le sentait.
Soudain, elle se rendit compte qu'elle connaissait cette chienne. Mais comment était-ce possible ? Elle n'avait pas le souvenir de l'avoir vu depuis ces dix ans qu'elle était ici. Pourtant, elle l'avait déjà vue. Soudain, elle comprit.

Avant d'être dans ce monde, elle était dans l'autre, là... Celui avec des gens à peu près normaux, quoi que vraiment méchant. Mais ce n'était pas dans celui là non plus qu'elle l'avait vu. En fait, avant d'être dans l'autre monde à peu près normal, elle était déjà là, ici. Elle venait du Pays des Merveilles. Mais comment était-ce possible ? Et pourquoi avait-elle était rejoindre le monde normal alors que son vrai Pays était celui-ci ? Etait-elle venue chercher quelqu'un, comme ce... cette chose, cette dispute avec ses "parents" qui l'avait amenée ici ? En fait, ses parents du monde normal étaient adoptifs. Mais dans ce cas, qui étaient ses vrais parents ? Oh et puis, qu'est-ce que ça pouvait faire, de toute façon. Ici était son monde, la preuve: elle n'était pas normale elle non plus, elle portait un masque noir et de petite ailes dans le dos.

C'est alors qu'elle revint où elle était. Devant une chienne grognante, avec des rayures proéminentes rouge vif, qui semblaient ne pas pouvoir rougir plus, et pourtant elle avait l'impression qu'elle étaient en train de cuir. Elle se dit qu'il était peut-être temps de réagir. Il faudrait courir. Non. Le molosse courrait sûrement plus vite qu'elle. Elle leva la tête. Grimper à l'arbre, alors ? Non plus. Cette bestiole qui se tenait devant elle savait certainement grimper et puis c'était trop haut pour elle. Trop haut ? Vraiment ?? Elle avait des ailes, après tout. Mais non... elles étaient trop petites ! Ginny avait l'impression de devenir folle. En fait, elle l'était. Rien n'était trop petit ou trop grand dans ce monde, elle pouvait y arriver. Ca coûtait quoi d'essayer ? Elle commença à battre des ailes. Rien ne se passa. La chienne se tenait devant elle, les yeux ronds de surprise. Pourquoi ne décollait-elle pas ? Parce qu'elle ne le voulait pas vraiment, en fait. Ce serait la solution de dernier recours. La dernière solution. Pourquoi ne pas discuter un peu ? Elle montrait les crocs, et alors ? La jeune fille ricana. Peu importait, cela suffisait. Elle se posait trop de questions pour une fille de ce monde. Et bien non en fait, se disait-elle, c'est sûrement pour cette raison qu'elle et les autres étaient fous à lier. Ils se posaient trop de questions et ne réfléchissaient pas à ce qu'ils disaient, disaient-ils ce qu'ils pensaient tout haut ? Mais oui, bien sûr ! Pourquoi ne ferait-elle pas la même chose ?

-Bonjour, fit-elle
Vous prendrez bien une tasse de thé ? Euh enfin, belle journée, n'est-pas ? Comment-allez vous ?

L'animal sembla satisfait. Ou peut-être n'était-ce qu'une impression ?

Lorsqu'elle eut bien dévisagé la jeune fille, qui ne voulait décidément pas bouger, Opaline aperçut une plume dans son dos. *Zozio*, pensa-t-elle machinalement. Son instinct de prédateur prit le dessus, et elle fit un fabuleux bond au-dessus de l'humaine, qui se retourna, effrayée, pour lui faire face de nouveau. Surprise de n'avoir rien eu, elle recommença et l'autre fit de nouveau volte-face. Puis Opaline comprit enfin que la plume venait des minuscules ailes accrochées au dos de la jeune fille. Elle ne se posa pas plus de questions à propos de l'utilité de ces ailes, trop petites pour servir à quoi que ce soit. Lorsqu'elle entendit sa question, elle s'assit en face de l'autre, mit sa queue devant ses pattes antérieures et la fixa dans les yeux avant de répondre :

- Je suis navrée de vous avoir collé une telle frousse, mais faut pas traîner par là ma p'tite dame, les fleurs insultent tous ceux qui passent. Enfin les fleurs, celles qui sont parties."

Devant l'air hébété de la jeune fille, elle continua :

- Je suis sincèrement désolée, je ne me suis pas présentée. Moi c'est ..."

Un silence de mort de quelques minutes s'installa, puis elle se redressa d'un bond en s'exclamant :

- Ah oui ! Moi c'est Opaline ! Opaline de Machintranchant ou Fontainebidule, enfin qu'importe, on s'en fiche, n'est-ce pas ? Moi c'est Opaline ! Pour répondre à ta question, je vais très bien merci. Je t'ai jamais vue dans le coin, qu'est-ce que tu viens faire par ici ?"

Elle attrapa un papillon qui volait d'un geste de la patte et le fourra dans sa bouche, attendant la réponse de son interlocutrice en mastiquant énergiquement.